Une maternité marquée par la perte
Devenir mère est une expérience bouleversante. Mais quand elle survient peu de temps après la perte d'un parent, elle se teinte d'une profonde ambivalence. C'est ce qu'a vécu Pauline, dont le témoignage dans le podcast Prélude met en lumière le difficile travail de deuil dans les mois qui ont suivi la naissance de sa fille. Elle évoque cette période comme une phase à la fois riche en amour et en chagrin, une relation nouvelle entre soi et le monde. Chaque femme adulte vit ces émotions à sa manière, dans un contexte personnel, professionnel ou familial bien spécifique.
"Mon papa est décédé à l'été 2018", raconte-t-elle. "Pendant un temps, j'ai cru avoir accepté. Mais c'est seulement après la naissance de Pia, quand j'ai eu du temps pour moi, que la réalité de la perte m'a frappée de plein fouet." Ce choc émotionnel a fait émerger des souvenirs de l’enfance, de la relation père-fille et d’une mémoire encore vive de celui qu’elle considérait comme un homme grand, cher, et unique. Elle se souvenait de combien il aimait raconter des histoires à elle et à sa sœur, et de sa complicité avec son frère. Chaque disparition laisse en nous une trace, un lien qui ne cesse de se perpétuer.
Le deuil est un processus
Le deuil est un processus complexe. Traverser les étapes du deuil demande du temps, surtout lorsque le chagrin se superpose à la responsabilité de prendre soin d'un nouveau-né. Il ne suffit pas de "gérer", il faut pouvoir vivre pleinement chaque émotion, accueillir la tristesse, la colère, parfois la culpabilité. Dans une telle situation, l'état de santé mentale de la mère peut être mis à rude épreuve. On se retrouve confronté à des sentiments contradictoires, où l’on peut ressentir un profond vide, mais aussi éprouver un besoin vital d’offrir de l’amour à son enfant.
Pauline raconte avoir perdu pied. "J'avais l'impression de ne pas me reconnaître. Je pleurais sans cesse. J'avais perdu mon papa, et le fait de devenir maman sans lui rendait tout plus douloureux." Voir son enfant grandir sans connaître ce défunt si aimé a éveillé en elle un sentiment de vulnérabilité, difficile à exprimer par des mots. Elle évoque parfois le regret de ne pas pouvoir perpétuer certains gestes ou traditions familiales que son père incarnait. Ce sont des choses difficiles à affronter seule, surtout quand la souffrance devient quotidienne.
Se faire aider : un acte de force
C'est alors qu'elle décide de consulter une psychologue. Ce choix marquera un tournant dans son cheminement. Le travail de deuil s'amorce alors véritablement : faire face à la perte, accepter l'état de mort de son père, revisiter les souvenirs, accorder une place à son chagrin. Cette démarche peut sembler difficile, mais elle agit comme une forme de guérison progressive. Elle en a parlé à son ami le plus proche, qui a su l'écouter et lui offrir un véritable refuge émotionnel. Il n'existe pas une seule manière de réagir, chaque relation au défunt est différente.
Le soutien de ses proches, la présence de son mari, le dialogue, mais aussi l'aide de sa psy, lui permettent de ne pas sombrer. Le processus de deuil n'est pas linéaire : on avance, on recule, on doute. Mais chaque jour, elle apprend à vivre après, à composer avec l'absence, à reconstruire. Chaque semaine compte, et avec le temps, ce qui était souffrance devient souvenir. Ce travail est essentiel, et peut s’appuyer sur des ressources diverses : thérapeutes spécialisés, associations de soutien, ou encore lectures comme celles d’Elisabeth Kübler-Ross, grande figure de l’étude du deuil. Certaines femmes trouvent un apaisement dans l’activité physique ou artistique, d'autres en rejoignant un groupe ou en écrivant un article.
Ne pas traverser le deuil seule
Ce témoignage met en évidence combien il est essentiel de ne pas rester seule. Pour surmonter une telle épreuve, il faut s'entourer. Rejoindre un groupe endeuillé, partager, écouter, échanger des conseils, trouver du réconfort au sein de ceux qui comprennent cette douleur : tout cela peut apporter un immense soulagement. Se faire soutenir, dans une telle situation, est un levier essentiel pour continuer à avancer. L'accompagnement d’un professionnel peut aussi être nécessaire pour affronter certaines phases plus intenses du deuil. Chaque personne vit la disparition à sa manière, mais il existe toujours des ressources pour ne pas sombrer dans la peine.
Cette démarche peut inclure des activités simples, comme écrire un article, exprimer sa peine par l’art, ou simplement parler à un ami. Il n'existe pas de bonne manière de vivre un deuil : chaque personne réagit différemment, en fonction de son passé, de son âge, et de ses expériences. Ce qui importe, c’est d’essayer, à son rythme, d’accompagner ce changement intérieur, de trouver un équilibre nouveau malgré la perte. Même dans les moments les plus malheureux, il est possible de renouer avec une forme d’amour propre et de reconstruire un lien avec soi.
Gérer les démarches administratives
En parallèle de l'accompagnement émotionnel, il faut aussi faire face à toutes les formalités essentielles liées au décès de son père. Organiser les obsèques, effectuer la déclaration de succession, prévenir l'employeur, s'informer sur les aides sociales disponibles, notamment si l'enfant devient un enfant orphelin. Ces étapes concrètes doivent être abordées malgré la douleur. Dans le cas de Pauline, le décès de mon père a aussi exigé de se mobiliser pour comprendre les dispositifs existants, et faire appel à toute forme d'aide sociale possible. Ce type d’épreuve peut aussi raviver une relation au corps et au physique : fatigue, douleurs, besoin de refuge, sentiment d’abandon. Il peut être nécessaire de consulter un professionnel de santé pour accompagner cette réaction du corps au chagrin.
Vivre avec le souvenir
L'histoire de Pauline montre que, même dans une période de grande fragilité, on peut trouver la force de traverser les épreuves, de chercher du soutien, de parler, d'écouter, de créer un nouvel équilibre. Devenir mère sans son père, c'est vivre une expérience d'une intensité rare, où la vie et la mort cohabitent. Le rythme quotidien change, et le regard sur le monde aussi.
Accepter la réalité de la perte ne signifie pas oublier, mais trouver une manière de faire vivre le souvenir, tout en s'autorisant à être pleinement présente pour son enfant. Le lien entre les générations peut se perpétuer différemment, en parlant de ce père disparu, en racontant son histoire, ses mots, sa place. On peut aussi apprendre à rendre hommage à sa mémoire, dans des moments simples du quotidien, par un geste, une photo, une phrase. C’est ainsi que l’on peut visiblement faire de la fin d’un voyage une autre forme de transmission, aussi malheureux soit-il. Le deuil est une expérience humaine, universelle, intime, et profondément transformante. Même confronté à la souffrance, il reste possible de voir le monde autrement, et de retrouver le goût d’exister.
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